Wednesday, April 02, 2008

Pierre et le loup sexiste

(En réponse à la chronique Le sexisme à l'oeuvre, de Lysiane Gagnon, paru le 1er avril 2008)

Selon Lysiane Gagnon, les appels répétés faits auprès d’Hillary Clinton pour qu’elle abandonne la course à l’investiture démocrate seraient en fait du « sexisme à l’œuvre », le titre de sa dernière chronique. Cette accusation de sexisme n’est nullement prouvée ni justifiée dans son billet; de plus, elle fait complètement fi de la situation politique actuelle. Ces appels à l’abandon transcendent les questions de sexe ou de personnalité; ils sont faits par simple réalisme politique. Les chances de Clinton de gagner l’investiture démocrate frôlent le zéro, et en s’acharnant à rester dans la course, elle mine les chances de son propre parti aux prochaines présidentielles.

Contrairement à ce que Mme Gagnon affirme, la Pennsylvanie n’est pas « le seul espoir d’Hillary Clinton, mathématiquement parlant ». Même si Mme Clinon devait l’emporter avec une majorité écrasante – ce qui est toujours loin d’être assuré - les règles d’attribution des délégués font que cela ne saurait suffire à rattraper le retard de 129 délégués qu’elle accuse envers Barack Obama. Pire : la semaine suivant le vote en Pennsylvanie, tout indique que la Caroline du Nord donnera au sénateur de l’Illinois une avance considérable, annulant en bonne partie les gains tout juste obtenus de Clinton.

Le seul espoir mathématique de la sénatrice de New York réside dans l'espoir que les super-délégués, ces membres influents du parti, votent massivement pour elle et renversent la décision du vote populaire. Oublions l’aspect bien peu démocratique de la chose, et concentrons-nous plutôt sur l’irréalisme croissant d’un tel scénario. Depuis le 5 février, date du « super Tuesday », les super délégués se rallient massivement à Barack Obama : soixante-quatre l'ont appuyé durant cette période, contre moins d’une dizaine pour Mme Clinton durant la même période. Il faudrait tout un revirement pour renverser cette tendance déjà bien ancrée.

Le problème avec le billet de Madame Gagnon, c’est que pour démontrer son point, elle compare des pommes avec des orangs-outans. Certes, personne n’a poussé les candidats à la direction du PQ à se retirer même lorsque Boisclair était donné gagnant, idem pour la course à la direction libérale de 1993. Mais ces présumés gagnants l’étaient selon les sondages uniquement. Dans le cas de la course démocrate, ce ne sont pas les sondages qui donnent Obama vainqueur – c’est le vote des électeurs des 40 états ayant tenu leur scrutin. Déjà 83 % des électeurs se sont prononcés, et ils ont donné au sénateur de l’Illinois une majorité insurmontable de délégués élus.

Une autre fausse information est également relayée par Mme Gagnon, celle que l’association de Obama avec le pasteur Wright « l’a fait reculer de 10 points ». Gallup, une des firmes de sondages les plus crédibles du pays, a certes mesuré un léger recul dans les jours suivant cet épisode, mais nullement de dix points; de plus, Obama a largement récupéré cette baisse depuis. Cependant, la firme a obtenu un chiffre intéressant : 28 % des électeurs de Mme Clinton voteront apparemment pour le parti républicain si Obama devait être confirmé comme candidat. En restant dans la course alors que les dés sont déjà jetés, Mme Clinton ne fait qu’exacerber le ressentiment de ses partisans envers celui qui sera le candidat démocrate à l’élection présidentielle, diminuant ses chances de l’emporter.

Les appels au retrait de la candidature de Mme Clinton ne tirent pas leur racines d’un sexisme caché, mais bien d’un pragmatisme politique : le parti avant la personne, comme le dit le dicton. À trop crier au loup sexiste, l'éditorialiste risque d’amenuiser ce terme, ce qui serait grandement dommageable pour une cause si juste.

3 comments:

Anonymous said...

Christo devient éditorialiste, ou bien tu nous refiles tes devoirs? :P

Sérieusement, c'est un autre ton que celui auquel je suis habitué de trouver sur ton blog. C'est pas un commentaire négatif, juste une remarque.

Et est-ce que quelqu'un va éventuellement rappeler que quand Mike Huckabee est resté dans la course, oui, les gens lui disaient d'abandonner, mais il ne l'a pas fait? (Je parle ici du sentiment populaire sur FARK.com, et évidemment, ça vaut ce que ça vaut). Mais surtout, quand Huckabee est resté dans la course sachant qu'il allait perdre, il n'attaquait pas McCain de toutes les façons possibles. Il se présentait simplement comme l'alternative pour les républicains qui voulaient autre chose qu'un couronnement.

Les chances d'Huckabee n'étaient pas réellement pires que celles de Clinton. Présumant que les délégués restants sont répartis 50/50 entre elle et Obama, elle aurait besoin d'environ 480 superdélégués, soit environ 240 de plus que ce qu'elle a en ce moment. Il en reste environ 350. Elle aurait donc besoin des deux tiers des superdélégués restants, ce qui n'arrivera que si Obama est surpris avec, comme le disent les américains, "a dead girl or a live boy."

Pour que Clinton ratrappe Obama sans les superdélégués, elle a besoin de récolter 64% des délégués restants, et avec les règles d'attribution en place, ceci nécessiterait approximativement 70% des votes populaires restants. Hillary n'a gagné qu'un seul état par plus de 70%: l'Arkansas.

En fin de compte, la véritable différence entre Clinton et Huckabee n'est pas la probabilité de succès, ou le parti, ou l'idéologie. C'est l'humilité.

Christopher Young said...

Le changement de ton, c'est parce que je l'ai envoyé à La Presse. J'essayais de moins faire de jeux de mots avec des émissions des années 80...

Anonymous said...

Moins de références à la lutte professionnelle, aussi.